Éléments, exposition solo à Espace F-GAM.
520, avenue Saint-Jérôme, Matane (Québec, Canada).
Du 10 juillet au 20 septembre 2015
Ouvert tous les jours de 13h à 17h
http://www.espacef.org
Éléments de François Quévillon
Par Nathalie Bachand
Éléments de l’artiste montréalais François Quévillon rassemble une série d’œuvres couvrant une quinzaine d’années de pratique, soit de 2001 à 2015 – une rétrospective en somme. Avec les phénomènes naturels pour sujets récurrents, les œuvres de Quévillon constituent autant de points de vue sur le monde qui nous suggèrent de se repositionner par rapport à celui-ci. Ce faisant, l’artiste propose au public une posture à mi-chemin entre observation scientifique et contemplation philosophique.
L’échelle choisie pour observer et rendre compte du monde constitue en soi une interprétation– elle révèle les mécaniques internes qui en articulent les différents niveaux, micro comme macro. À l’échelle, s’ajoutent des variantes physiques comme la perspective et l’angle, puis un biais technologique qui filtre, transpose ou traduit et qui, dans tous les cas, vient finir d’interpréter la portion du monde observée.
Si les œuvres de Quévillon parlent du monde et de ses phénomènes physiques, elles parlent aussi de la manière dont le monde opère ses propres transformations. Comment son mouvement intrinsèque le dynamise-t- il ? Une œuvre comme Defrost (2001) par exemple – la plus ancienne du corpus présenté – donne à voir, à échelle micro, l’état de la matière évoluant selon certaines conditions. La captation vidéo du phénomène nous en propose une interprétation parmi plusieurs possibles. À l’opposé, En attendant Bárðarbunga (2015) – sa plus récente création – observe, à échelle macro, certains effets physiques liés à l’éruption imminente d’un volcan islandais.
Entre ces deux installations audiovisuelles, qui font figure de marqueurs chronologiques, sont présentées des œuvres qui relèvent essentiellement de captations d’instants géolocalisés, puis technologiquement filtrés selon différents types de paramètres. Elles proposent des points de vue imprenables du monde réel, où les outils technologiques employés soit modélisent (Points de repère et autres œuvres liées à Dérive), syncopent (Chronoscopies) ou abstraient (Ciels variables) littéralement l’image-matériau. Ces altérations numériques procédant de nombres et de mathématique binaire, la manière dont ces transformations adviennent reste relativement opaque – elles opèrent le plus souvent de l’intérieur, sous la surface de l’image. Conséquemment, nous ne comprenons pas ce que nous voyons la plupart du temps, alors même que l’écran quotidien nous renvoie un univers visuel qui occupe de plus en plus largement notre champ de vision. Or ce monde d’images modifiées, qui nous paraît désormais étrangement familier et qui nous inquiète à peine, prolifère exponentiellement tel un univers en expansion. De fait, ce sont plutôt les images aux références reconnaissables qui suscitent le doute : sont-elles bien réelles?
D’une facture presque documentaire, En attendant Bárðarbunga est constitué d’images captées par l’artiste, évoquant l’enregistrement passif de systèmes de surveillance. Bien que les images elles-mêmes ne soient pas modifiées, leur séquence est cependant sujette aux variations de l’appareil qui les diffuse. Cette attente aux aguets devient ainsi autre chose : une narration scindée et sans objet ou plutôt dont l’objet est à venir. Partout de la fumée qui s’échappe, des liquides qui bouillonnent, qui s’écoulent, le sol sous pression. Or la particularité de cette œuvre réside justement dans sa construction narrative dont le déploiement est basé sur un système de probabilités influencé par les données provenant de capteurs couvrant l’état et l’activité des composantes matérielles de l’ordinateur. Le film n’est jamais exactement le même, et la conclusion, jamais donnée.
À une époque où les préoccupations environnementales sont à l’avant-plan (ou du moins tentent de l’être), Quévillon nous rappelle que le monde n’est pas tout à fait ce qu’il semble être, bien qu’en surface les choses paraissent à peu près normales. En attendant Bárðarbunga c’est aussi l’attente de cet évènement ultime, sublime, qui symbolise la fin du monde tel qu’on le connaît actuellement.
Nathalie Bachand est responsable du développement pour ELEKTRA, festival international d’art numérique – qui réalise également la Biennale internationale d’art numérique (BIAN). Elle a dirigé le projet de publication Angles arts numériques (2009) et contribué au collectif d’auteurs Tactiques insolites : vers une méthodologie de recherche en pratique artistique (2004). Elle écrit, notamment sur les arts visuels et médiatiques.
Remerciements
Les œuvres exposées ont bénéficié du soutien du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la SODEC. Merci également à Sean Wood, Louis Commère, Éric Desmarais, Édouard Lanctôt-Benoit, Nathalie Bachand, Nancy Lombart, Sporobole, Perte de Signal, Pointe-à-Callière, Sagamie, SÍM Residency et toute l’équipe d’Espace F-GAM.
Éléments, exposition solo à Espace F.
520, avenue Saint-Jérôme, Matane (Québec, Canada).
Du 10 juillet au 20 septembre 2015
Ouvert tous les jours de 13h à 17h
http://www.espacef.org
Éléments de François Quévillon
Par Nathalie Bachand
Éléments de l’artiste montréalais François Quévillon rassemble une série d’œuvres couvrant une quinzaine d’années de pratique, soit de 2001 à 2015 – une rétrospective en somme. Avec les phénomènes naturels pour sujets récurrents, les œuvres de Quévillon constituent autant de points de vue sur le monde qui nous suggèrent de se repositionner par rapport à celui-ci. Ce faisant, l’artiste propose au public une posture à mi-chemin entre observation scientifique et contemplation philosophique.
L’échelle choisie pour observer et rendre compte du monde constitue en soi une interprétation– elle révèle les mécaniques internes qui en articulent les différents niveaux, micro comme macro. À l’échelle, s’ajoutent des variantes physiques comme la perspective et l’angle, puis un biais technologique qui filtre, transpose ou traduit et qui, dans tous les cas, vient finir d’interpréter la portion du monde observée.
Si les œuvres de Quévillon parlent du monde et de ses phénomènes physiques, elles parlent aussi de la manière dont le monde opère ses propres transformations. Comment son mouvement intrinsèque le dynamise-t- il ? Une œuvre comme Defrost (2001) par exemple – la plus ancienne du corpus présenté – donne à voir, à échelle micro, l’état de la matière évoluant selon certaines conditions. La captation vidéo du phénomène nous en propose une interprétation parmi plusieurs possibles. À l’opposé, En attendant Bárðarbunga (2015) – sa plus récente création – observe, à échelle macro, certains effets physiques liés à l’éruption imminente d’un volcan islandais.
Entre ces deux installations audiovisuelles, qui font figure de marqueurs chronologiques, sont présentées des œuvres qui relèvent essentiellement de captations d’instants géolocalisés, puis technologiquement filtrés selon différents types de paramètres. Elles proposent des points de vue imprenables du monde réel, où les outils technologiques employés soit modélisent (Points de repère et autres œuvres liées à Dérive), syncopent (Chronoscopies) ou abstraient (Ciels variables) littéralement l’image-matériau. Ces altérations numériques procédant de nombres et de mathématique binaire, la manière dont ces transformations adviennent reste relativement opaque – elles opèrent le plus souvent de l’intérieur, sous la surface de l’image. Conséquemment, nous ne comprenons pas ce que nous voyons la plupart du temps, alors même que l’écran quotidien nous renvoie un univers visuel qui occupe de plus en plus largement notre champ de vision. Or ce monde d’images modifiées, qui nous paraît désormais étrangement familier et qui nous inquiète à peine, prolifère exponentiellement tel un univers en expansion. De fait, ce sont plutôt les images aux références reconnaissables qui suscitent le doute : sont-elles bien réelles?
D’une facture presque documentaire, En attendant Bárðarbunga est constitué d’images captées par l’artiste, évoquant l’enregistrement passif de systèmes de surveillance. Bien que les images elles-mêmes ne soient pas modifiées, leur séquence est cependant sujette aux variations de l’appareil qui les diffuse. Cette attente aux aguets devient ainsi autre chose : une narration scindée et sans objet ou plutôt dont l’objet est à venir. Partout de la fumée qui s’échappe, des liquides qui bouillonnent, qui s’écoulent, le sol sous pression. Or la particularité de cette œuvre réside justement dans sa construction narrative dont le déploiement est basé sur un système de probabilités influencé par les données provenant de capteurs couvrant l’état et l’activité des composantes matérielles de l’ordinateur. Le film n’est jamais exactement le même, et la conclusion, jamais donnée.
À une époque où les préoccupations environnementales sont à l’avant-plan (ou du moins tentent de l’être), Quévillon nous rappelle que le monde n’est pas tout à fait ce qu’il semble être, bien qu’en surface les choses paraissent à peu près normales. En attendant Bárðarbunga c’est aussi l’attente de cet évènement ultime, sublime, qui symbolise la fin du monde tel qu’on le connaît actuellement.
Nathalie Bachand est responsable du développement pour ELEKTRA, festival international d’art numérique – qui réalise également la Biennale internationale d’art numérique (BIAN). Elle a dirigé le projet de publication Angles arts numériques (2009) et contribué au collectif d’auteurs Tactiques insolites : vers une méthodologie de recherche en pratique artistique (2004). Elle écrit, notamment sur les arts visuels et médiatiques.
Remerciements
Les œuvres exposées ont bénéficié du soutien du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la SODEC. Merci également à Sean Wood, Louis Commère, Éric Desmarais, Édouard Lanctôt-Benoit, Nathalie Bachand, Nancy Lombart, Sporobole, Perte de Signal, Pointe-à-Callière, Sagamie, SÍM Residency et toute l’équipe d’Espace F-GAM.